Trois étapes à franchir par l’entraînement sophrologique

Pour A. Caycedo, deux lois fondamentales sous-tendent la pratique sophrologique: la vivance phronique et la répétition vivantielle. La vivance phronique permet la transformation des structures de l’être, à condition qu’elle soit « répétée »: le sophronisant découvre d’abord ses structures, il les conquiert, cela mène à leur transformation. Découverte, conquête, transformation, sont les trois étapes citées par Caycedo dans l’évolution de la conscience humaine.

Tous, nous comprenons la nécessité de l’entraînement pour franchir ces trois étapes. Nous savons aussi que l’entraînement doit se poursuivre de façon quotidienne, même quand nous sommes arrivés à la troisième étape (en admettant que nous y soyons arrivés).

Sur le plan théorique, cette nécessaire discipline peut se comprendre, même si, parfois, elle paraît scolaire, donc difficilement tenable de façon prolongée. D’ailleurs, nous sommes convaincus de la nécessité et l’utilité de l’entraînement et de la répétition dans les domaines du sport, de l’art (musique, peinture, etc.), ou de l’éducation.

Seulement, dans l’entraînement sophrologique, le but n’est pas toujours apparent (je ne parle pas des préparations aux examens, à la maternité, etc., où l’objectif est clair, avec une échéance dans le temps) : il s’agit de mieux-être, de vivre en harmonie, d’être plus clair avec sa propre conscience, etc.

Les « résultats » ne sont généralement pas immédiats, « ni visibles » ; il y a malgré cet entraînement des hauts et des bas, et très souvent, la lassitude apparaît rapidement, tant il est vrai que s’imposer une vingtaine de minutes d’un entraînement quotidien « pour rien » est difficile, surtout dans la durée. Nous qui nous entraînons régulièrement (du moins je l’espère!), connaissons ces phases d’enthousiasme où la pratique se fait aisément, qui alternent avec des phases de désintérêt, pour ne pas dire de découragement où tous les prétextes sont bons pour ne pas s’entraîner.

Très souvent, j’entends dire: « Je ne m’entraîne pas vraiment, mais je pense souvent, dans la journée, à me détendre, à faire un petit exercice par-ci par-là. » Pour moi, cela n’a rien à voir avec l’entraînement. Bien sûr, il est bon de relayer son entraînement avec ces moments de présence à soi, de concentration. Mais si ceux-ci sont déliés d’une pratique quotidienne « structurée », l’on arrive vite à une pseudo-méthode Coué : on « pense » à son corps (plus qu’on ne le sent), on se place soi-disant dans une dynamique positive en se persuadant que tout va bien ou ira bien et cela est presque toujours artificiel et peut même agir de façon négative. Cela n’aboutit pas à l’ouverture du champ de conscience, au dévoilement de la conscience, à l’Existence, buts de la Sophrologie.

Les bénéfices perceptibles d’un entraînement à la sophrologie

La personne qui s’entraîne régulièrement s’aperçoit progressivement de modifications subtiles dans sa vie de tous les jours. Ce sont quelquefois des changements radicaux, mais le plus souvent, c’est une qualité de présence qui se développe, une qualité de vie qui s’installe, qui rendent la personne plus confiante, plus sereine devant la vie et ses aléas.

Savoir profiter des bons moments, savoir faire face aux difficultés sans chercher constamment des recettes-miracles ou des coupables, se poser comme sujet, sujet responsable, conscient, libre.

Cela se construit jour après jour, ce n’est jamais terminé, ce qui explique que (et c’est là que) nous nous heurtons plus ou moins régulièrement à la lassitude, au ras-le-bol, car finalement, « c’est toujours pareil! » Lorsque nous faisons une chose pour la première fois, cela intéresse le moi; lorsque nous répétons cette même chose des dizaines de fois, cela l’ennuie; si nous la refaisons des milliers de fois, cela le transforme.

C’est vrai, lorsque nous avons réalisé un geste quelque fois, apparaît le phénomène « d’habituation », c’est-à-dire que le message est engrammé (intégré) au niveau du système nerveux, et le geste peut alors s’effectuer de façon automatique. Ce phénomène physiologique est très utile dans la vie quotidienne: imaginons, par exemple, ce qui se passerait si chaque fois que nous conduisons notre automobile nous nous retrouvions dans la même situation que la première fois! Ce serait épuisant. Mais dans une démarche d’élargissement du champ de conscience, l’habituation peut apparaître plutôt comme un obstacle. Lorsqu’un geste est intégré, il est nécessaire d’y « mettre de la conscience », de vivre pleinement l’instant présent, pour que se produise un réel enrichissement et progressivement un dévoilement de la conscience. Il s’agit de vivre ce geste « comme si c’était la première fois » (et de fait, c’est vraiment à chaque fois une nouvelle fois, même si je le refais mille fois).

L’habituation va permettre de ne plus être « fasciné » par la nouveauté, elle va permettre de nous libérer de l’exécution proprement dite pour vivre pleinement les sensations, pour porter un regard neuf sur ce que nous sommes en train de vivre, à condition, je le répète, de se placer dans cette intentionnalité. Alors, l’habituation n’est plus un obstacle (au contraire!); la répétition ne devient pas routine, elle transforme. Évidemment, pour en arriver là, il faut s’entraîner!…

Mais comment se motiver pour pratiquer jour après jour, semaine après semaine, mois après mois ? C’est bien sûr, l’affaire de chacun. Les objectifs précis sont des facilitateurs: arrêter de fumer, ou de boire ou de trop manger, préparer une épreuve quelconque (examen, maternité, compétition sportive, concert, etc.), mieux dormir, améliorer sa mémoire, etc.

Une fois l’objectif atteint, de nombreuses personnes se rendent compte qu’elles ont en même temps améliorer leur qualité de vie. Pourtant, cela ne suffit pas toujours pour les inciter à continuer. Il y a ceux qui veulent devenir sophrologues… Combien d’étudiants s’entraînent tous les jours? Et qui continuent ensuite, quand ils sont devenus des professionnels? Il y a les sophrologues, qui, normalement, s’entraînent quotidiennement. Qu’en est-il exactement? (Question d’autant plus grave que le sophrologue demande aux autres de s’entraîner chaque jour.)

À chacun de trouver sa propre motivation.

Si le monde s’exerçait à la sophrologie…

La motivation qui est mienne et que je vous livre maintenant a pour nom Sarajevo (et de toutes les guerres de par le monde). Chaque fois que je parle de la Yougoslavie, je sens monter la colère contre l’être soi-disant humain, qui n’a toujours pas compris. Pas compris que l’on peut « fonctionner » autrement que dans et par la peur, le ressentiment, la jalousie, la destruction. Je m’interroge souvent sur notre soi-disant intelligence humaine, quand je vois où elle mène l’humanité et le monde.

Quand je parle de cette problématique avec les uns et les autres, je me rend compte que presque tout le monde partage cette indignation à laquelle se mêle un fort sentiment d’impuissance. Que pouvons-nous à cet état de fait, et comment faire pour qu’il change?

Si nous allons un peu plus avant dans la discussion et dans l’analyse, beaucoup sont d’accord pour penser que ces conflits extérieurs ne sont jamais que le reflet de nos conflits intérieurs et que si chacun d’entre nous parvenait à faire la paix en soi, les choses finiraient par tourner autrement: une personne bien dans sa peau, équilibrée, à sa place, n’est pas agressive, en même temps qu’elle ne se laisse pas envahir ».

Mais nous savons bien que nous ne pouvons pas agir à la place des autres, décider pour eux, encore moins les changer. Nous ne pouvons agir que sur nous-mêmes. Nous sommes les acteurs de notre propre vie, nous avons pouvoir de décision sur nos actes. Nous transformer ne dépend que de nous. Comment faire alors pour changer, pour vivre en harmonie avec soi-même et avec les autres ? Comment faire la paix en soi ?

Ce ne peut être que par une pratique régulière de méthodes qui mènent à une meilleure connaissance de soi, à l’équilibre physique et mental. La vivance transforme… De plus, l’entraînement régulier permet d’exercer sa volonté. Décider de se donner du temps est déjà un pas sur le chemin de la réalisation de soi. Et dans ce moment de liberté que l’on s’accorde (autre lecture de ce que certains nomment une contrainte), la conscience peut s’ouvrir, s’élargir.

Si moi, qui suis conscient de tout cela, je ne suis pas capable de me discipliner, de prendre une vingtaine de minutes pour m’occuper de moi chaque jour, comment espérer que les « autres » (qui ne savent pas ce que je sais…) changent?

La paix est une valeur qui se mérite, qui se gagne jour après jour… Et ce n’est jamais fini. Alors, quand je n’ai pas le courage ou pas envie de m’entraîner, je pense à la guerre, je pense à la paix, et je vais m’entraîner. Pour Sarajevo, pour tous les pays en guerre… Pour moi. 

Auteur : Bernard Santerre

Source : http://www.sophrologie-francaise.com

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