« Soyez ouverts à l’ouverture » Heidegger
L’attitude phénoménologique concerne avant tout la manière d’entrer en relation avec soi-même, les autres, et la façon d’appréhender le monde.
En fait, par nature, nous vivons déjà en relation avec l’ensemble des êtres et des éléments. Mais absorbés et distraits par le flux constant des sensations, des émotions et des pensées, nous nous sentons séparés, insatisfaits, coupés de nous-mêmes et du monde.
C’est alors que fatigués de souffrir, mais toujours illusionnés par le sentiment de séparation, nous cherchons une nouvelle qualité d’harmonie, de lien, de relation avec les objets et les êtres, sans nous rendre compte que cette tentative relève encore d’une fabrication mentale, conceptuelle, duelle, initiée par l’idée d’un « moi » qui se pense toujours éloigné de l’autre.
En prenant conscience des sensations corporelles, en faisant l’épochè de l’idée de la relation, du désir d’alliance, et de la représentation que l’on se fait de soi-même, nous entrons alors en contact direct avec « ce qui est », et réalisons alors spontanément, sans effort, que le lien recherché n’a pas besoin d’être « créé » ou « établi »: il est déjà là et il ne demande qu’à être intimement reconnu, dans la tranquillité de la conscience attentive.
Je réalise alors que le seul obstacle à cette reconnaissance demeure encore dans un a priori, ancré dans l’idée d’être une entité pensante séparée, différente, autonome et permanente. Une fois cette image limitée de moi-même et mes croyances suspendues, le sentiment d’unité se révèle spontanément. Dans l’intimité impersonnelle de l’alliance et de la communion, je reconnais alors l’autre en moi et moi en l’autre.
Chacun vit ses sensations, ses émotions et ses pensées, chacun vit ses propres expériences, mais ce vécu se trouve embrassé, illuminé, concilié et transcendé, avec amour et bienveillance, dans l’espace conscient de la relation.
À l’intérieur de ce Tout, la présence s’éveille à sa propre substance, dans l’heureux mystère de cette pure qualité d’écoute, résolument Une et non-duelle. Il ne demeure alors que la conscience, la joie d’être et le silence de l’union. Un vaste Oui à l’Ouverture, une vie à vivre, partout, et une vie à être, toujours.
[Couverture: Sarnath, Inde]
Auteur : Pierre Bonnasse