Recourir aux « médecines douces » en complément de la médecine allopathique ? La question est-elle encore d’actualité ? Sophrologie, acupuncture, hypnose, ostéopathie, méditation de pleine conscience… ces disciplines sont aujourd’hui exploitées dans de nombreux hôpitaux, cliniques, EHPAD…
Les réticences s’étiolent. Cette dynamique nouvelle révèle la volonté d’une prise en charge complète du malade. Elle répond au souci d’améliorer la qualité de vie générale des patients dans le contexte d’un parcours de soins élargi.
Il n’est évidemment pas question de substituer une approche à une autre. Il s’agit de repenser le processus thérapeutique. D’appréhender l’individu soigné dans sa globalité d’être humain et pas uniquement comme un corps mal en point.
Dans le domaine qui est le mien, l’hématologie, les médecines douces sont utilisées pour soulager les malades, alléger certains de leurs symptômes, atténuer la douleur ou encore détendre les muscles.
Carole Venturi, cadre de santé à l’Institut universitaire du cancer de Toulouse • Article de mars 2019 (Macif)
La sophrologie au cœur du soin, y compris à l’hôpital…
Le cancer, comme de nombreuses affections et pathologies, compte parmi les pathologies susceptibles de bénéficier des apports des médecines alternatives.
À titre d’exemple, les soignants des services d’oncologie formés à la sophrologie peuvent compléter la prise en charge médicale en suivant un protocole précis et ciblé sur plusieurs séances. L’accompagnement sophrologique pourra porter sur l’apaisement des troubles nauséeux, sur les effets secondaires de la chimiothérapie, calmer le mental, se réapproprier son corps, favoriser un nouveau regard sur la vie…
Il sollicite tout ou partie des techniques développées par Alfonso Caycedo : respiration abdominale, exercices de concentration, méditation, Sophro Présence immédiate…
À l’hôpital, la sophrologie peut aussi servir d’autres desseins thérapeutiques.
Durant la première vague de Covid-19, certains services ont eu recours aux médecines alternatives pour pallier les conséquences de l’hospitalisation.
Stress, angoisse, douleurs… furent le lot de nombreux malades atteints du virus qu’il a fallu accompagner.
La sophrologie dans le Top 10 des médecines douces jugées les plus efficaces en France parmi 200 pratiques.
Source : Baromètre 2018 du site Thérapeutes
Le récit d’un aide-soignant sophrologue pendant la première vague de l’épidémie
Frédérick Laporte est sophrologue libéral et aide-soignant au service de réanimation du Centre hospitalier de Châlons en Champagne. Il a profité de ses compétences de sophrologue pour soulager ses patients durant cette 1ère vague.
Malgré la fatigue dû à l’afflux inhabituel de personnes atteintes, son engagement professionnel est resté intact.
Il a accepté de nous conter son expérience durant laquelle il a pratiqué des séances de sophrologie auprès de ses patients.
Vous étiez aux avant-postes lors de la première vague de la Covid-19. Quel était alors le contexte ?
Nous n’étions pas préparés à avoir cette « guerre ». Mes collègues et moi même ne savions pas à quoi nous allions être confrontés et surtout comment gérer l’activité croissante. Nous sommes passés de 8 lits de réanimation à 16 lits.
Les patients sont arrivés très rapidement et pour la plupart intubés et ventilés avec pour aide une assistance respiratoire.
Durant leur séjour, ils sont passés très près de la mort pour beaucoup et pour d’autres ce fut inévitable. Parfois ils ont été plongés dans un coma artificiel avec des réveils difficiles et un corps meurtri par les multiples prises de sang, les décubitus ventraux (DV) et autres examens invasifs (trachéotomie).
La peur, les angoisses, les doutes, la solitude, les bruits et le corps totalement immobiles pour certains (neuropathie de réanimation) ont été leur quotidien, majorés par l’impossibilité de voir leurs proches.
La sophrologie que je pratique depuis plus de 3 ans dans le service de réanimation et avec l’appui des médecins réanimateurs ainsi que de l’équipe paramédicale, trouve une place toute particulière dans la prise en charge globale des patients mais aussi des accompagnants.
La grande majorité des patients qui ont été hospitalisés dans le service ont eu deux séances de sophrologie voire plus. Même si au réveil de leur coma provoqué ils ne pouvaient s’exprimer verbalement, au travers leur regard, leur détresse était palpable. Il était important que les patients puissent accueillir, prendre conscience et évacuer leurs émotions et tensions négatives.
J’ai utilisé la sophrologie et la relaxation guidée pour leur redonner la possibilité de se ré-approprier leur corps et tenter d’accepter la situation tant bien que mal, de se re-situer dans le temps (temporo-spatial).
La fréquence des séances étaient en fonction de mes jours dans le service, travaillant en 12 heures, jours comme nuits.
Nous avons eu 42 patients lissés sur ces 3 mois.
Vous souhaitez nous parler de 3 patients en particulier, que vous avez accompagnés durant cette période en utilisant la sophrologie. Avez-vous le sentiment d’avoir été utile ?
Pour expliquer un peu plus ce que la sophrologie apporte en milieu hospitalier et en particulier dans un service de réanimation, j’ai choisi de vous faire partager cette très riche expérience sur 3 patients dont une femme et deux hommes qui tous ont été sous assistance respiratoire.
Leur ressenti de pratiquer la sophrologie leur a permis d’avancer dans leur hospitalisation. Ils ont pu me faire partager leurs angoisses, leurs peurs mais surtout ils ont pu retrouver confiance en la vie, en l’humanité et aux soignants. Malheureusement pour une personne, elle n’a pu survivre à la COVID-19.
Voici quelques extraits de leurs ressentis recueillis au cours des dialogues post séance et lorsqu’ils pouvaient s’exprimer.
…Une évasion de ce corps immobile… Une grande légèreté… Une aide dans des moments difficiles …un immense relâchement avec de la confiance… Ressentir mes bras et de la chaleur qui circule… Conscient des priorités de la vie…
Comme toutes séances de sophrologie, j’ai commencé par l’alliance avec le patient et la famille (en Visio), celle-ci permet d’expliquer la technique et comment elle se pratique. Le propre du sophrologue est de s’adapter aux situations rencontrées et aux capacités mentales et physiques de chaque participant.
En fonction de l’état de santé, j’adaptais mon terpnos logos et j’orientais la séance aux besoins du patient avec toute ma bienveillance.
Les séances ont pu se pratiquer au lit et lorsque cela était possible au fauteuil (d’une durée de 20 minutes à 40 minutes).
Cet accompagnement durant les séances a permis d’écouter, de rassurer les patients. Il permet pour ma part de conforter mon implication aux soins et aux méthodes alternatives complémentaires (M.A.C) dans les services hospitaliers quels qu’ils soient (médecine, chirurgie, obstétrique, pédiatrique et grand âge).
Il est aujourd’hui indispensable de pouvoir bénéficier de ces techniques (sophrologie, hypnose, méditation…) pour que les patients, les accompagnants aient une prise en charge globale (corporelle, mentale). La sophrologie trouve toute sa légitimité dans des soins quotidiens et réguliers.
Dans le cadre de votre accompagnement sophrologique, qu’avez-vous mis en place pour ces trois patients ?
Madame H, âgée de 54 ans. Entrée en réanimation le 05 avril 2020. Elle a été intubée et à fait du DV. Sortie le 27 avril 2020.
Les séances à son réveil ont porté sur comment respirer sans la machine (respirateur) naturellement, ressentir ce souffle de vivance qui passe dans le corps.
Au fur et à mesure des séances, les terpnos logos se sont orientés sur la confiance en soi, l’estime de soi. Madame H a pu également éliminer les tensions accumulées et la peur de mourir.
Chaque jour, elle a pu évoluer dans sa convalescence avec plus de sérénité et d’apaisement.
La place de la relaxation était importante pour qu’elle puisse retrouver un état de bien être et récupérer plus rapidement des efforts fournis dans la journée après des séances de kinésithérapie.
Aujourd’hui elle est rentrée chez elle auprès des siens et a pris conscience des priorités de la vie.
Merci à elle pour sa participation et son énergie…
Monsieur G, âgé de 68 ans. Entré en réanimation le 01 avril 2020 . Il a été intubé et à fait du DV.
Les séances à son réveil ont porté sur comment respirer avec la machine (respirateur) en assistance respiratoire, accepter de ne pas pouvoir mobiliser ses membres supérieurs et inférieurs. Seul les ressentis douloureux étaient présents.
Au fur et à mesure des séances, les terpnos logos se sont orientés sur l’acceptation dans la mesure du possible d’être emprisonné dans ce corps (résilience), de diminuer l’envie de boire, de retrouver l’espoir de vivre.
Chaque jour, il a lutté avec des hauts et des bas. Il attendait ces moments de partage et de rencontre avec lui même, guidé par mes soins.
La place de la relaxation de visualisation était nécessaire lui permettant de s’évader de ce corps. Séance faite le 17 mai 2020 en « Visio » avec son épouse, tout deux ont pu partager ce moment hors du temps.
Il est décédé le 18 mai 2020.
Cette séance a eu un sens tout particulier pour eux.
Merci à lui et à son épouse…
Monsieur B, âgé de 54 ans. Entré en réanimation le 15 avril 2020. Il a été intubé.
Il a du être transféré dans une autre réanimation pour un suivi plus spécialisé puis revenu dans notre service.
Les séances ont eu plusieurs orientations car ce monsieur a subi une trachéotomie. Il a du accepter au départ de ne pouvoir parler pour se faire comprendre. Aujourd’hui il peut s’exprimer grâce à une canule de phonation. Il a retrouvé de la confiance, une estime de soi (image physique transformée par la perte de poids et la trachéotomie). Il a réappris à utiliser ses bras et jambes trop longtemps tétanisés. Il a réussi à gérer ses nombreuses angoisses et peurs.
La place de la relaxation était importante pour qu’il puisse retrouver un état de bien être et récupérer plus rapidement des efforts fournis dans la journée après des séances de kinésithérapie et d’orthophonie.
Il est sorti du service le 12 mai 2020 pour faire sa rééducation. Celle-ci va être longue mais les bénéfices des séances effectuées vont lui permettre d’être combattant et fort.
Merci à lui pour sa confiance…
Les techniques utilisées durant les séances ont été multiples.
J’ai pu proposer aux patients durant leur hospitalisation :
- sophros projection futures (se voir soit en service de médecine, en famille…
- libérer les tensions négatives (LTN),
- refaire son schéma corporel avec une sophro contemplative,
- pratiquer de la sophro correction sérielle (SCS),
- pratiquer de la sophro présence relâchante,
- pratiquer de la sophro acceptation progressive (S.A.P),
- utiliser le geste signal ou l’ancrage,
- pratiquer la méditation guidée,
- …
Je tiens à remercier les patients et les familles qui m’ont fait confiance dans ces moments si difficiles pour eux, les collègues médicaux et para-médicaux qui m’ont permis de me rendre auprès des patients pour réaliser ces séances de sophrologie.
Auteur : Anne Almqvist