Agathe Delisle est neuropsychologue et psychologue clinicienne. Elle nous propose de partager son travail d’accompagnement quotidien des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
C’est l’histoire de Marie, 60 ans, qui un jour se trompe de direction dans le métro et égare ses documents sur le banc d’une station. Puis, s’accumulent les oublis, les erreurs… Elle et son mari décident de consulter, le diagnostique tombe, fatal : maladie d’Alzheimer. Marie doit faire face à sa peur, à son anxiété, facteurs aggravant les troubles, à cette nouvelle image d’elle même, dans ses incohérences, dans les errements de sa mémoire en souffrance. Elle est le témoin involontaire des observations de ses enfants, quand ceux-ci pensent qu’elle n’entend pas : «Comment en est elle arrivée là ?», «On ne peut plus lui faire confiance…» Et Marie femme responsable, active, se sent devenir incapable de…, meurtrie, amoindrie, désespérée. Elle ne peut plus communiquer de façon convenable oralement.
Marie est devenue une petite ombre fragile, très vulnérable qui n’arrive plus à s’exprimer. Tout ce qu’elle prenait en charge dans sa vie lui est retiré. Marie en est au début de la maladie.
Agathe Delisle lui propose un accompagnement où sophrologie, relaxation et relation d’aide vont pouvoir s’harmoniser ensemble.
La relaxation induit la détente en limitant clairement chaque partie de son corps, un travail respiratoire (respiration abdominale, grands soupirs), un travail sur les sensations pour établir une relation favorable entre Marie et son corps, SDB, RD1 et quelques adaptations de RD1 dans les mouvements doux vont lui permettre la (re)conquête de son corps et la validation de son ancrage au sol.
A l’aide de sophromnésies, elle va pouvoir se centrer sur ses souvenirs, sa vie personnelle, ce qui va lui apporter réconfort et soutien dans la sécurité des souvenirs positifs, mémoire de son corps, et même peut être transformer des souvenirs douloureux en une pensée positive.
La concentration sur un objet connu lui permet de mieux se connecter dans l’accomplissement de tâches routinières : par exemple le choix que Marie porte sur un vide-poches déposé sur la console de l’entrée de son appartement va lui permettre d’établir la relation clé, fermeture de porte, rangement des clés.
L’écriture de son journal de bord où pensées, sensations sont consignées, va offrir à Marie le moyen de communiquer avec son entourage qui pourra à son tour intervenir dans ce journal pour échanger. C’est à cette occasion que Marie pourra faire connaître toute sa souffrance à ses enfants, souffrance induite par la maladie propre mais aussi par leurs réactions….
Agathe Delisle continue son exposé mais l’organisation du congrès lui fait gentiment remarquer qu’elle a dépassé les 30 mn qui lui sont octroyées. Il faut qu’elle termine rapidement. C’est alors qu’un «non!» désespéré retentit à notre gauche. Une petite dame aux longs cheveux gris, frêle s’est levée d’un bond, comme un petit zébulon qui sort de sa boite à jouets.
Elle prend sa tête entre ses mains, cherche ses mots, et entre deux sanglots trouve difficilement des syllabes hachées. Agathe Delisle doit absolument continuer car elle aussi est comme Marie, elle vit cet enfer au quotidien, avec l’incompréhension douloureuse de ses enfants.
Dans le silence respectueux de la salle s’établit alors un dialogue entre cette autre Marie et Agathe Delisle sereine, attentive, bienveillante. Nous sommes les témoins émus, bouleversés, de cette intervention qui est là devant nous, tout simplement dans sa plus grande authenticité et sa plus grande pudeur.
Un nouvelle route s’offre à elle, dans son combat quotidien : celle de la sophrologie, de la relation d’aide, béquilles si précieuses, pansements réparateurs des blessures infligées à toutes les Marie du monde entier et à leur entourage : soulager la souffrance et favoriser un renouvellement du mode relationnel de la famille pour accompagner la personne malade et maintenir les liens bien solides, et maintenir la conscience verticale…
Auteur : Brigitte Boulard