Nous vivons cloitrés depuis le 17 mars. 30 jours que nous sommes invités à sauver des vies en vivant chez nous. Près de 5 semaines que les rares occasions de profiter du monde se limitent aux rayons pâles d’un supermarché de quartier. Eventuellement à quelques exercices de gymnastique sur le ciment gris d’une place ou d’une rue désertée.
Pour les habitants des villes, pour celles et ceux qui n’ont pas la chance « d’observer avec gratitude » tomates cerises, tournesols, coriandre ou piments de Padron s’émanciper dans leur jardin, la situation est moins guillerette.
Pour celles et ceux qui partagent les quelques dizaines de mètres carrés de leur appartement avec de joyeux drilles de quelques printemps, l’existence d’un modeste balcon s’apparente à une promesse de voyage au bout du globe.
Presque un signe extérieur de richesse en somme.
Restaurants, bars, cinémas, discothèques, gymnases, librairies, théâtres, boutiques, squares, parcs, plages, gares, aéroports… Fermés !
La quasi totalité de ce qui nous lie au monde, aux autres, à tout ce qui relève du rapport à l’humanité nous a été dérobée.
Entre 3 et 4 milliards d’individus vivent un exil à domicile.
Ce confinement contraint n’a-t-il que des inconvénients ?
J’avoue. Je me suis posé la question.
Certes, il est jusqu’à nouvel ordre impossible d’embrasser ses proches, de festoyer avec ses amis ou de danser le Xaxado au Brésil.
Mais où est-il écrit que ce virus ferait de nous des misanthropes ou des désespérés ?
Le nano garnement nous offre peut-être enfin l’occasion d’envisager cet isolement subi comme une chance de renouer avec l’essentiel.
Ecouter, s’écouter, lire ou relire, observer, parler, dessiner, cuisiner, penser, inventer, rêver, aimer, aider, méditer, projeter, créer…
En un mot : vivre. C’est aussi tout cela, non ?
Profiter de ce temps pour soi comme d’une opportunité pour se recentrer. Rompre avec un quotidien monotone comme les violons longs d’un automne qui s’éternise pour ré-inventer la vie.
Elle n’est jamais plus précieuse que lorsque la maladie et la mort s’invitent aux agapes de nos sociétés consuméristes, la vie.
A l’ESSA, le concept a un nom : l’égo-bienveillance.
Cette extension de la conscience harmonieuse si chère au sophrologue postule que ce qui nous fait du bien à nous, individus, bénéficie aussi à elle, la planète.
Face tu gagnes, pile aussi ! C’est une « win-win philosophy ».
Le confinement source de perturbation et promesse de changement ?
D’où je suis, c’est ainsi : ma ville, Paris, a muté. D’ordinaire si bruyante, si polluée, si encombrée, la capitale est métamorphosée.
Le constat est sans appel. Depuis la mise en place des mesures de confinement, la pollution au dioxyde d’azote a chuté drastiquement
Centre National d’Etudes Spatiales • Article du 30 mars 2020
À ma fenêtre, c’est une révolution. Délesté de son voile diaphane dioxydé, le ciel a repris des couleurs. Le cyan. Un vrai, un dur, un pur azur qui se révèle dans sa nudité bleutée à travers les immeubles grisonnants. Dans cette urbanité reconvertie, l’univers céleste peut enfin s’afficher en 3D.
Et puis, libérée des vrombissements motorisés, Paris s’est tue. En bas, sur la place d’ordinaire si fréquentée, un jeune homme rassure sa maman en marchant, écouteurs aux oreilles et smartphone en main. Je pourrais participer à leur discussion tant je peux l’entendre.
Plus loin, un enfant houspille son père. Celui-ci ne lui a pas renvoyé le ballon, qui maintenant rebondit au rythme de l’écho produit par le va-et-vient. L’un comme l’autre sont étonnamment perceptibles.
Chaque soir, à 20h pétantes, les fenêtres s’ouvrent. J’aperçois des dizaines de mains s’agiter en signe de reconnaissance pour le dévouement du personnel de santé. Tels des spectateurs applaudissant une pièce qui se joue ailleurs.
Sans le tumulte habituel, entendrait-il l’hommage qui lui est rendu ?
Paris n’est plus une ville, c’est un village. Que dis-je ? Un hameau.
Alors j’avoue, je me suis posé la question : ne pourrait-on garder un peu de ce que le confinement a changé dans nos vies ? Pour que la vie perdure. Dans la bienveillance.
Après tout, certains y songent déjà :
- Plan de l’Institut de l’économie pour le climat
- Amendement déposé à l’Assemblée Nationale le 21 mars
- Tribune d’Emmanuel Dockès professeur agrégé de droit
- Les propositions d’Attac pour l’après Covid-19
- Convention citoyenne pour le climat
- Une culture du soin à repenser
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Auteur : Eric Eymard