Solastalgie. C’est l’autre nom de l’éco-anxiété. Laquelle désigne le climat d’inquiétude, de peur, d’impuissance, de stress… dans lequel nous plongent les bouleversements de l’environnement et l’urgence d’y remédier.
Mais alors pourquoi est-on éco-anxieux ? Existe-t-il un remède à la solastalgie ? L’Ego-bienveillance peut-elle en faire partie pour gérer nos émotions ?
C’est quoi l’éco-anxiété ?
Inventée par l’australien Glenn Albrecht au début du millénaire, la solastalgie est la contraction de deux mots : réconfort (ou consolation) du latin solacium (et de l’anglais solace) et douleur du grec algia.
Mi-maladie, mi-tendance, la solastagie traduit l’anxiété que ressent un individu en raison de la dégradation de son environnement naturel.
Pollutions, érosion des sols, désertification, dérèglements climatiques, disparitions d’espèces… il y a encore 20 ans, on ne parlait d’écologie et de développement durable qu’au rythme des catastrophes naturelles susceptibles de se manifester. Autant dire peu !
Aujourd’hui, pas un jour ne passe sans que la survie de la planète ne fasse la une d’un magazine, la couverture d’un livre ou la raison d’être d’une émission télévisée ou radio-diffusée.
85 % des Français se révèlent inquiets face au changement climatique
Sondage Ifop – Octobre 2018
S’agissant de survie de l’humanité, ce changement de paradigme médiatique n’est pas pour rassurer les pauvres bougres que nous sommes. Et la prise de conscience du politique, tout comme sa capacité concomitante d’action n’inclinent pas à un regain de sérénité.
Il faut bien admettre qu’entre les alarmistes qui postulent que le monde tel que nous le connaissons s’apprête à disparaître et ceux qui exhortent à agir d’urgence pour espérer s’en sortir, les motifs d’inquiétude ne manquent pas.
Le stratium, l’autre raison de cette inertie coupable et culpabilisante
Pourtant, si cette sur-médiatisation de la fin programmée du monde contribue à entretenir notre sentiment d’anxiété, elle n’est pas la seule.
Si l’on en croit Sébastien Bohler, notre cerveau ne serait pas exempt de reproche. Ce spécialiste de neurosciences explique qu’une partie profonde de nos méninges, le stratium, serait programmée pour récompenser notre recherche de plaisir.
Comment ? En produisant de la dopamine dès que l’un de nos besoins primaires est satisfait.
Ainsi, manger, procréer, dominer, se protéger… compteraient parmi ces désirs primaires à assouvir.
Las, le stratium n’a pas de fonction régulatrice. Abus de nourriture et obésité, soif de pouvoir et surconsommation… ces quêtes multiples et irrépressibles ont beau avoir une incidence sur la planète, notre cerveau y répond comme un toxicomane gèrerait son addiction. Avec parcimonie donc.
Au cœur de notre cerveau, un petit organe appelé striatum régit depuis l’apparition de l’espèce nos comportements. Il a habitué le cerveau humain à poursuivre 5 objectifs qui ont pour but la survie de l’espèce : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, étendre son territoire, s’imposer face à autrui (…) Hier notre cerveau était notre allié, il nous a fait triompher de la nature. Aujourd’hui il est en passe de devenir notre pire ennemi.
Sébastien Bohler – Le bug humain (Éditions Robert Laffont)
Nous avons parfaitement conscience des dégâts causés par nos envies excessives de consommation, mais demeurons passifs.
Pourquoi ? Parce qu’une autre partie de notre cerveau (le cortex), qui fait de nous des êtres intelligents dotés de capacités cognitives avérées, ne peut empêcher le constat de cette inaction. Nous demeurons lucides et cette lucidité désagréable favorise l’éco-anxiété.
On a créé un système de production conçu pour satisfaire ces besoins, et pas les contrebalancer, et donc on s’est pris à notre propre piège.
Sébastien Bohler – Arrêt sur images (juin 2019)
Mais alors si ce foutu cortex n’est pas en mesure de freiner les velléités hédonistes du striatum, que faire ?
L’Ego-bienveillance, extension sophrologique de l’éco-thérapie ?
Faut-il pour autant parler de maladie quand on parle d’éco-anxiété ? Après tout, le phénomène témoignerait plutôt d’une prise de conscience salutaire que d’une affection. Quand bien même celle-ci aurait des répercussions néfastes sur nos santés en raison des émotions négatives qu’elle engendre : stress, insomnie, angoisse, colère…
La solastalgie n’est pas (encore) considérée comme une maladie mentale. Dans un rapport publié en mars 2017 relatif à l’impact du changement climatique sur la santé psychologique, l’American Psychological Society y fait référence sans la compter comme un trouble psychiatrique. Une conclusion confirmée par l’UKCP (Conseil Britannique de Psychothérapie) il y a quelques semaines.
Écopsychologie, écothérapie, thérapie verte… des alternatives existent
Les sophrologues le savent bien : il est possible d’apprendre à gérer ses émotions. Accompagné ou non par un spécialiste en Sophrologie appliquée aux troubles émotionnels, nous pouvons agir et freiner ces pulsions primaires auto-destructrices qui polluent nos existences dans tous les sens du terme. Y compris parce qu’elles peuvent nécessiter le recours aux produits pharmaceutiques (anxiolytiques, anti-dépresseurs…).
Née aux Etats-Unis il y a une trentaine d’années, l’écopsychologie (ou l’écothérapie) prend acte de la corrélation qui existe entre souffrance humaine et détresse planétaire.
Une fois admis, ce lien brisé peut être réparé en multipliant les interactions avec la nature.
Marcher en forêt, câliner un arbre, humer l’air pur et iodé de l’océan, jouir du silence de la campagne, mais aussi développer les contacts avec les animaux… ces reconnections salvatrices sollicitent les sens et favorisent apaisement, concentration, conscience de soi…
Elles contribuent à réduire le stress, l’anxiété, la dépression.
Les « éco-thérapeutes » suggèrent de compléter cette « éco-thérapie » en adoptant des comportements déculpabilisants : privilégier les déplacements non polluants, réduire sa consommation d’énergie, accepter son impuissance individuelle face aux dérèglements du climat, évoquer ses expériences avec autrui…
L’Ego-bienveillance s’inscrit dans cette mouvance
Initiée par Anne Almqvist, fondatrice de l’ESSA, l’Ego-bienveillance n’est pas un oxymore.
À la fois philosophie, discipline et méthode, l’Ego-bienveillance postule qu’en prenant soin de soi-même il est possible de préserver et de protéger l’altérité, qu’elle soit humaine, animale ou végétale.
Quelques exercices quotidiens peuvent contribuer à y parvenir.
Écouter, Goûter, Offrir.
Prendre pleinement conscience des dysfonctionnements de nos existences. Apprécier les bénéfices des changements mis en oeuvre. Se réjouir de leurs répercussions pour autrui.
Le triptyque fonctionnel de l’Ego-bienveillance s’inscrit dans la volonté de prendre soin de soi pour être en capacité de prendre soin de l’autre et de l’environnement. Il donne un sens profond et pérenne à sa propre existence et plus largement à la Vie.
Alors qu’attendons-nous pour être Ego-bienveillant ?
Auteur : Eric Eymard