Pensez que mes livres n’apportent pas de résultats à apprendre de façon formelle, mais des fondements pour pouvoir bâtir soi-même, des méthodes pour travailler soi-même, des problèmes à résoudre soi-même. Ce soi-même, c’est vous, si vous voulez être philosophe. Mais on n’est jamais philosophe qu’en le devenant et en voulant le devenir.
Cette phrase d’Edmund Husserl symbolise l’importance et la force de nos ressentis personnels. En effet le savoir que l’on acquiert dans les livres et les écrits doit nous servir de base aux développements de nos connaissances. Mais le plus important c’est ce que l’on pense vraiment. Notre propre philosophie ne doit pas être un calque de ce que l’on a pu lire. Elle doit émaner du plus profond de nous et traduire nos propres pensées.
Cette dernière phrase symbolise en quelque sorte notre réduction phénoménologique chère à E. Husserl. Ce qui doit s’exprimer est représenté par nos propres sensations et sentiments. On le concrétise lors d’une technique sophrologique où l’on s’attache à ce qui s’exprime corporellement et psychologiquement. Notre philosophie se libère donc dans nos récits lors des phénodescriptions. Elle peut ensuite s’engrammer et se compléter avec les différents ouvrages étudiés au cours de notre existence.
Personnellement ma philosophie existentielle s’articule autour de l’importance et de la puissance du « rire ».
Des ouvrages ont été réalisés sur ce thème sous différents biais. Par exemple Molière qui l’utilisait avec un second degré pour dénoncer. Il employait le rire pour amuser mais aussi pour « faire penser ». De même Rabelais avec sa phrase « le rire est le propre de l’homme » dans Gargantua suscite un bien-être et une convivialité salvatrice tout en faisant passer des messages et une critique de son temps.
Mais l’important c’est ce qu’apporte réellement cette notion de « rire ». Ainsi je me suis interrogé sur ce phénomène : comment j’ai perçu le pouvoir et le potentiel du rire sous une approche existentielle ?
J’essaierai d’y répondre par la suite en développant :
- Les fonctionnalités du rire et ses bienfaits.
- La genèse du rire d’un point de vue personnel.
- L’utilisation thérapeutique du rire et son approche sophrologique et phénoménologique.
Les fonctionnalités du rire et ses bienfaits
Quoi de plus approprié pour ce mémoire que cette phrase du Dr Madan Kataria créateur de l’école du yoga du rire en Inde : « on ne rit pas parce qu’on est heureux, on est heureux parce qu’on rit ».
Le rire est un phénomène naturel génétique et qui représente un pouvoir incroyable pour l’être humain. Encore faut-il en prendre conscience.
Ce pouvoir c’est de développer un bien-être non seulement pour soi mais également pour les autres. Comme l’évoque le Professeur Rubinstein, neurologue, le rire a été un des nombreux facteurs d’évolution de l’espèce humaine. Le fait de se mettre à rire ensemble est une façon de tisser du lien social et de se faire confiance. « N’est-ce pas là un début de chemin vers un nouveau regard » ?
Mais le rire est également un allié précieux pour notre santé. Dans notre société le rire est largement sous employé et pourtant il est gage de bonne santé grâce à son activité musculaire, respiratoire, nerveuse et hormonale. Le rire se conjugue donc :
- d’exercice physique : la mobilisation des zygomatiques et abdominaux déclenche dans l’organisme la production d’une pharmacopée naturelle du bien-être ; identifiable à un antidépresseur puissant ;
- d’exercice de respiration : où le souffle et le diaphragme ont un rôle important.
Le rire régule aussi le sommeil et favorise les apprentissages intellectuels.
Le paradoxe c’est que le rire ne cesse de décroître dans nos sociétés modernes et que adulte nous rions beaucoup moins que dans l’enfance (300 fois par jour à cette période contre 10 à 15 fois à l’âge adulte). Il suffirait pourtant de 8 à 10 minutes de rire tous les jours pour en retirer des bénéfices concrets sur sa santé et son bien-être.
Pour le Pr Rubinstein : rire constitue d’abord un exercice musculaire à la fois doux et profond qu’il compare à un jogging stationnaire. Parallèle évident avec la Relaxation Dynamique 1 où l’on retrouve la marche virtuelle au niveau du travail du cinquième système.
Il fait travailler le diaphragme et les abdominaux (corrélation avec le quatrième système) facilitant ainsi la digestion.
Globalement il mobilise la plupart des muscles de l’organisme, dont certains ne travaillent que rarement depuis les muscles du visage, du larynx, de l’appareil respiratoire jusqu’à ceux du ventre et des membres.
Le rire entraîne un relâchement et une détente des autres territoires musculaires. Il provoque la relaxation du visage, du cou, de la poitrine, des bras, de l’abdomen et des jambes. C’est donc un outil similaire à la sophro de base (SDB) où l’on recherche les mêmes effets en utilisant un Terpnos Logos adapté. « Une minute de rire équivaut à quarante cinq minutes de relaxation » selon le professeur.
Le rire est également une technique respiratoire qui améliore les fonctions vitales. Il associe une inspiration ample et brève, une pause respiratoire et une expiration longue et saccadée. Cette affirmation nous renvoie donc à une sorte de combinaison entre le SDN et la SAV.
On peut donc dire, au regard de ce paragraphe, que le rire regroupe les trois techniques clés de la sophrologie.
Le rire est un remède efficace contre le stress. La communauté scientifique a constaté que les rieurs ont généralement de plus faibles taux de cholestérol et également que le taux de cortisol, hormone du stress, diminue lors de l’utilisation de ce phénomène. En même temps, le cerveau produit de grandes quantités d’endorphines, hormone de la sérénité et de dopamine, hormone du plaisir et du bien-être. Ce résultat a été prouvé grâce à des IRM.
Plus encore, le rire est un moyen sûr et efficace de préserver un équilibre du système nerveux autonome (la santé). Equilibre que l’on retrouve en sophrologie pour lier le corps et l’esprit. Le rire rend heureux. L’hilarité est un procédé concret et économique de faire produire par son corps les hormones du bonheur comme l’évoquait l’abbé Pierre : « un sourire coûte moins cher que l’électricité mais donne plus de lumière ».
Le rire participe aussi à la qualité du sommeil. Il l’améliore car il épuise la tension interne tant sur le plan neurophysiologique qu’émotionnel. Il laisse place à la sérotonine qui agit sur le rétablissement du sommeil.
Il favorise une certaine libération émotionnelle qui régule les tensions emmagasinées et permet l’expression des sentiments refoulés. C’est une forme d’exutoire qui fait remonter les valences positives si chères à la sophrologie comme le confirme le Pr Rubinstein :
le rire est un stimulant psychique parce qu’il construit une barrière morale d’optimisme en développant la faculté de réagir. C’est une désintoxication morale aussi bien que psychique. Il va combattre les petite inquiétudes, les petites déprimes, les petites angoisses de la vie quotidienne et dans le même temps améliorer l’état d’alerte, c’est-à-dire augmenter l’attention, les possibilités intellectuelles et la vitesse d’exécution des tâches.
Ce discours traduit fondamentalement les caractéristiques de notre discipline.
La genèse du rire d’un point de vue personnel
Cette première partie symbolise l’aspect théorique du sujet.
Comme l’évoque Edmund Husserl elle représente les fondements pour pouvoir construire sa propre réflexion.
A travers cette approche technique du rire ; je vais m’appuyer dans un second temps à retranscrire ma propre vision de cette valeur et ce qu’elle représente pour moi.
Puis dans une autre partie, comment l’utiliser dans un contexte thérapeutique et surtout créer un outil, une technique à adapter à la sophrologie pour obtenir des résultats positifs afin d’évoluer vers une approche existentielle du concept.
D’un point de vue personnel, le rire est un outil que j’applique au quotidien. Il m’aide à surmonter les épreuves et je l’utilise à la fois au niveau spirituel pour évacuer (un peu comme un SDN) les tensions psychiques, les ruminations et les gènes ; et à la fois au niveau corporel pour vivre des sensations à l’intérieur du corps.
En effet, j’ai pris conscience des petits phénomènes qui se manifestent. Par exemple ressentir des fourmillements après un fou rire ; une sensation de libération et de nettoyage intérieur. Mais surtout la manifestation d’une sorte de poids agréable au niveau du sternum.
Cette résonnance interne peut s’expliquer par une vivance énergétique. Le rire est une alliance en mouvement de vibrations intérieures et extérieures. Peut-être une façon différente d’aborder un phonème avec l’expression sonore du rire et un phronème avec cette sensation de vibration corporelle qui se dégage immédiatement après cette expression audible.
Bien sûr cette prise de conscience s’est accentuée avec la découverte de la sophrologie ; mais pas seulement.
Selon moi, le rire et l’humour s’engramment au plus profond de soi dés le plus jeune âge.
Pour exemple cette anecdote relatée à mes parents : en classe maternelle, les professeurs racontaient à ma mère que pendant les récréations, mon passe temps favori était de regrouper mes petits camarades en arc de cercle et de faire le pitre afin de déclencher les rires des participants. Ce qui me faisait rire également.
Peut-être que cette situation traduit que le rire est contagieux ? A méditer ; ou à expérimenter en laboratoire !!!
D’ailleurs le Dalaï Lama l’évoque ; pour lui : « l’humour est une légèreté de l’esprit, un doux parfum qui se répand avec contagion, il témoigne d’un haut niveau de spiritualité ».
En tout état de cause ; je pense réellement que le rire est présent au niveau cellulaire de l’être. Le nourrisson sourit et pourtant personne ne lui a appris. Des études scientifiques ont même prouvé que le fœtus sourit également : état de fait visualisé lors de certaines échographies.
Puis cette valeur s’est perpétuée au fil du temps. Comme l’évoque l’écrivain Jean Bernard Cabanès : « un des secrets de la joie est de garder l’étincelle d’émerveillement de l’enfant ».
Ainsi j’ai traversé les âges en conservant cet outil (sans en être vraiment conscient).
J’ai réellement pris conscience de ce bien-être pendant ma période lycéenne.
En effet, je ressentais que rire me faisait du bien mais également aux autres. C’est une sorte de ciment social si important pour l’équilibre et l’harmonie physique et mentale. Une phrase est alors devenue importante à mes yeux. C’est celle du Dalaï Lama. Quand on lui demande quel est son passe temps préféré, il répond : « Rire » ; « celui qui peut prendre du recul sur lui-même, rire de son ego, tourner en dérision ses travers, ses limites et ses manquements, accède à une réalité ».
Aujourd’hui cette phrase traduit fondamentalement ma philosophie de vie.
Cependant il faut vraiment faire attention à un certain effet pervers du rire et de l’humour. Il ne faut absolument pas les utiliser pour cacher ses émotions. Comme l’écrivit Beaumarchais :
Je me presse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer.
Certaines personnes y ont recours pour créer une sorte de masque qui évite de se dévoiler. Cette solution construit des barrières vis-à-vis des autres et de soi-même et au final les sentiments ne sont pas exprimés.
Cet état de fait peut-être symbolisé par la métaphore du clown triste qui s’emploie à faire rire les autres mais qui se sent mal au plus profond de lui.
Il faut vraiment prendre le rire sous son aspect communiquant ; une sorte de fil invisible pour tisser du lien social ; et créer un climat de confiance pour aboutir à un lâcher prise concret.
Ceci représente les caractéristiques de la sophrologie avec la vivance d’une alliance entre thérapeute et patient ; permettant ainsi de se libérer et prendre du recul. On développe alors l’un des principes fondamentaux de la sophrologie : l’action positive.
Au final peut-être que le rire est un facteur d’évolution de l’espèce. Nul besoin de parler la même langue ni de se comprendre pour communiquer en riant.
On retrouve ce phénomène dans les émissions de Frédéric Lopez « Rendez-vous en terre inconnue » où la rencontre, les échanges et la confiance s’organisent autour du rire avec les populations visitées et ce quelque soit la culture ; le type de civilisation et la situation géographique.
Dixit Charlie Chaplin : « le rire est le chemin le plus direct entre deux personnes ».
La première approche s’effectue toujours par le sourire qui lève les barrières de la langue et de mode de vie opposé.
Puis les autochtones utilisent le jeu ; l’humour ; le fou-rire pour retranscrire leur comportement existentiel aux invités. On visualise alors l’expression des sentiments sans filtre d’un côté comme de l’autre avec des phénodescriptions remarquables et sincères.
C’est ce rire pur que l’on doit engrammer en chacun de nous.
(à suivre…)
Auteur : Laurent CABALLERO
Mémoire cycle supérieur de sophrologie existentielle (Partie 1)
École Supérieure de Sophrologie Appliquée