Le nouveau regard phénoménologique n’est pas un concept faisant suite à d’autres, une idée, une pratique ou une réalité nouvelle. Dans ce sens il serait même, dans la littérature spirituelle, une réalité des plus ancestrales, songeant à ces sages visionnaires de l’Inde ancienne, ces Rishis de l’Himalaya, où la sophrologie trouve une part de ses racines.
Le « Nouveau Regard » n’est en fait ni ancien ni nouveau, il est cette conscience même qui perçoit les idées nouvelles qui finissent tôt ou tard par être dites anciennes. Il est ce silence dans lequel les concepts émergent et se résorbent, il est cet émerveillement sans mots dans lequel la beauté se reconnait dans toute chose, y compris le plus inacceptable. Comme tout phénomène, l’apparaître d’une émotion est toujours l’occasion de s’éveiller à ce regard.
Ordinairement, je ne vois pas comment celle-ci se constitue, je suis automatiquement absorbé et avalé par son énergie qui se cristallise en tensions et autres blocages. Mais avec la pratique de l’attention, de l’écoute, le processus émotionnel se donne à voir avec de plus en plus de clarté.
En effet, la perception de celle-ci m’éveille à l’espace conscient de son apparition. Pour cela, ce regard doit imprégner le corps tout entier, dans la sensation globale de tous les tissus. Cette conscience corporelle, en observant les sensations dans le corps, me permet peu à peu de voir comment ce dernier réagit aux mouvements subtils de la pensée, sous la forme d’émotions.
En maintenant l’attention sur les sensations dans le corps, en les accueillant dans la tranquillité de l’observation, il m’est alors donné la possibilité de demeurer équanime et de ne pas me laisser entraîner dans les réactions de désir et d’aversion qui continuent d’alimenter le flot des émotions ordinaires, et la souffrance qui en découle.
Et même si, parce qu’absent à moi-même, je suis surpris par l’émotion, son apparition peut alors, tel un réveille-matin, devenir le facteur d’un retour à soi (reductio), d’un retour à cette Vision dans laquelle l’émotion va finir par se dissoudre.
L’émotion n’est ni rejetée ni niée, elle est accueillie, acceptée telle qu’elle est, reconnue comme une énergie qui finalement ne fait que pointer la Présence joyeuse et tranquille qui l’éclaire, la sublime et la transcende.
Auteur : Pierre Bonnasse