Dans mon cadre professionnel en tant qu’Assistante de Service Social auprès du personnel de la Maison d’Arrêt des Hauts de Seine, je participais depuis plusieurs mois, à un groupe de travail pluridisciplinaire intitulé « Analyse des phénomènes de violences » faisant suite au constat d’une recrudescence des actes de violences des détenus à l’égard des personnels de surveillance.
Cette réflexion a donné lieu à un constat plus large d’un mal être généralisé du personnel de surveillance générant de nombreux arrêts maladie, de l’absentéisme injustifié, un turn over important qui mettaient en grande difficulté les surveillants pénitentiaires présents. Ce mal être général et cet épuisement professionnel se traduisaient par un manque de vigilance et d’attention et/ou d’évidentes mises en danger liées à une volonté de tout gérer.
Sophrologie appliquée à la relation d’aide
Je travaille dans la relation d’aide depuis de nombreuses années et en me tournant vers la Sophrologie, je voulais aller plus loin dans cette relation et surtout d’une manière différente.
Aussi, face à ce constat, m’apparaissait l’ouverture d’un espace commun entre ma profession et la Sophrologie et l’idée germait tranquillement dans mon esprit : effectuer mon stage de sophrologue dans le cadre des risques psycho-sociaux pouvait être une réponse à apporter à la problématique liée aux phénomènes de violence et au mal être des surveillants.
J’accueillais cette idée avec joie car ma formation de Sophrologue prenait corps dans la réalité: Un champ d’application s’ouvrait à moi.
Le thème « Gestion du Stress, faire face à la violence » étant défini, je pouvais me projeter dans un protocole qui me semblait le mieux adapté à cet objectif pour travailler les axes principaux: l’Ancrage, la Confiance en soi, la présence à Soi, l’Attention et la Concentration.
Bien installée dans ma profession d’assistante sociale, je pensais qu’il me serait aisé d’être dans cette écoute et dans la relation d’aide. Et pourtant… il m’est apparu, qu’en voulant aller plus loin dans la relation d’aide grâce à la Sophrologie, je devais avoir cette même démarche pour moi même, plus en profondeur. Je devais tourner ce nouveau regard vers moi même pour ne plus être dans le «Faire» mais dans l’Être. Aussi, j’ai bénéficié pour moi même des bienfaits de la Sophrologie, tels qu’une ouverture de conscience, une présence à moi même qui me permettent d’être encore plus à l’écoute des autres car j’ai appris à être à l’écoute de moi même, aussi.
La découverte de la Phénoménologie m’a montré le chemin…
…des sensations, des perceptions, des émotions comme étant des phénomènes que je pouvais accueillir tout simplement.
Et c’est comme si mon chemin personnel parcouru au cours de ces 2 années de formation de sophrologue se déroulait, là, au cours des séances comme pour me faire revivre les différentes étapes pour les ancrer, intégrer au plus profond de moi même. Dans ma volonté de bien faire, j’étais dans une maîtrise des séances, séances bien préparées, bien apprises… comme pour gérer la situation… mon stress ? En réalité, je luttais contre la peur de guider la séance, du trou noir, ne plus savoir quoi dire ou que ma voix ne se laisse plus entendre et se charge de mettre mon émotion en évidence. Peur du jugement du groupe, de leur non adhésion aux séances, et même si je «faisais bien les séances», je me sentais dans une distance avec le groupe, peu dans le ressenti, doutant, au début, même de la possible installation de l’alliance.
Et puis, est arrivé le lâcher prise sur mes attentes, mes jugements, mes peurs. Je savais, au plus profond de moi, que l’essentiel ne résidait pas dans le «faire la séance, la technique», mais dans le fait de vivre la séance, la technique, d’incarner mes mots. Je n’avais plus peur, je savais que les participants seraient là, je savais que quoi qu’il arrive durant les séances, ma tranquillité intérieure ne serait pas affectée.
Et surtout, j’ai mesuré à quel point la méthode est vraiment, réellement, absolument efficace. Profondément s’est inscrite cette certitude, lors de mes moments de doutes, que je pouvais me reposer sur la méthode, avoir confiance en elle et ainsi, confiance en moi et cela m’a permis d’établir une réelle relation d’aide.
Est venu alors le plaisir de guider et de vivre les séances, même quand les mots ne venaient pas cela ne me déstabilisait plus autant car ils finissaient par émerger d’eux mêmes des profondeurs du silence, me faisant ressentir, que, tout est là. Aujourd’hui, en accueillant mes sensations, mes émotions, en observant les fissures de ma carapace, en ayant pu les vivre en alliance avec le groupe, je me sens plus forte, forte de ressentir, de cette capacité à ressentir et à partager.
Jusqu’alors, être dans la relation d’aide donnait un sens à ma vie et aujourd’hui, c’est ma vie qui donne un sens à la relation d’aide. Me centrer sur moi me permet de me détacher de moi même, sans danger, de prendre de la distance, du recul en restant liée et porter cette double attention aux autres et à moi même, comme actrice et témoin dans la réflexivité.
En étant bien ancrée dans les 4 principes de la Sophrologie et dans le respect de l’écoute active de Rogers, j’ai pu trouver un positionnement juste dans une relation phénoménologique de Sujet à Sujet, celle qui guide, tout simplement dans cette attitude professionnelle phénoménologique laissant place à l’Alliance.
Ainsi, chaque participant, dans son propre cheminement, a pu se découvrir plus présent à soi même et ouvert aux autres tout en s’acceptant tels qu’ils sont. La prise de conscience du schéma corporel comme réalité vécue inscrite dans une action positive leur a permis de concevoir une meilleure image de soi et d’améliorer l’estime et la confiance en soi. Ils ont été présents, ils ont été patients, se sont montrés bienveillants envers la sophrologue en devenir qui faisait ses gammes et chacun, avec ses propres richesses, a développé sa capacité à s’ouvrir à soi et au monde.
En Sophrologie, c’est dans cette sensation d’être plus que dans une conscience d’être que s’expriment les phénomènes vécus. C’est dans la manifestation du corps bien vivant, que la Sophrologie, à travers son approche phénoménologique prend toute sa place dans le cadre de l’objectif de travail «Gestion du Stress». Cette méthode permet à chacun de se sentir exister en tant que sujet, un «JE», qui «SUIS», libre et responsable et non un individu dépendant du monde environnant, et en ce sens, l’attitude phénoménologique est une approche très forte face à toutes les difficultés liées à la «Gestion du Stress».
Les techniques d’activation intrasophronique et la Relaxation Dynamique Caycedienne 1, en particulier, ramènent au corps et à la réalité du schéma corporel comme réalité vécue et permet au sujet de le vivre dans la réalité objective de sa présence physique, biologique, mentale et émotionnelle. Ainsi, accueillir les phénomènes vécus permet une meilleure gestion des émotions et du stress. En nous positionnant dans l’instant présent, l’attitude phénoménologique permet de mettre à distance les évènements difficiles vécus de l’extérieur.
En ce sens, l’ancrage à la respiration est une position de base très forte et puissante, un fil conducteur dans un travail sur la gestion du stress. En effet, apprendre à diriger sa respiration dans une attitude phénoménologique c’est à dire, dans le sens des ressentis du corps, permet une écoute du corps «ici et maintenant», un ancrage efficace pour la gestion du stress. La découverte du corps et l’amélioration de la capacité de concentration que nous apporte la RDC1 à travers la respiration, le mouvement et les exercices de relaxation dynamique, permet de faire émerger les sensations du corps et ainsi, à se détendre, prendre du recul, se recentrer, récupérer, se dynamiser, se projeter positivement et faire face aux situations difficiles.
Mais la Sophro Attention/Sophro Concentration a été particulièrement appréciée par le groupe car vécue comme une découverte de la possibilité d’être dans le corps et le décor à la fois : être présent à soi, dans ses ressentis, perceptions, émotions et faire face à une situation difficile. Cette technique intra sophronique est particulièrement probante dans le thème l’objectif du stage car elle permet d’effacer, dès leur prise de conscience, toutes les empreintes du stress dans le corps et permet d’être dans l’action face à la situation qui apparaît plutôt que dans la réaction.
Et enfin, la Sophro Acceptation Progressive a permis de mettre en pratique la vivance de la sensation du corps face à une situation stressante et permet, étape par étape, de sentir son corps fort et solide sur lequel une pensée lucide et efficace peut se poser, ce qui était mon intentionnalité principale dans le thème de l’objectif de ce stage.
Pour conclure, je dirais que j’ai vécu ce stage de « Sophrologue pour la première fois » comme une expérience extrêmement enrichissante et formatrice tant dans sa phase de préparation que de réalisation et qu’il m’a permis de confirmer mon postulat de départ qui était que la Sophrologie est une réponse adaptée à la problématique de la «Gestion du Stress».
Ce stage m’a permis de dévoiler mes capacités à ETRE Sophrologue sans voiler mes limites et mes résistances m’offrant ainsi une ouverture sur les chemins qu’il me reste à parcourir vers ce nouveau regard sur moi-même et sur le monde.
Auteur : Jacqueline VLADIC
« Extrait du rapport de stage de mise en situation professionnelle »