Si une idée n’existait que dans le présent de celui qui la contemple et la partage, sans passé ni futur ?
Une citation, une idée, une pensée appartient-elle plus à celui qui l’a écrite qu’à celui qui la lis et la ressens ? « Cessez de citer Bouddha, soyez Bouddha », alors je suis Platon et Husserl, je suis Descartes et Pavie, Biswanger et Bonnasse, Tolle et Lao-Tseu, alors Je Suis. Au travers de la réflexion phénoménologique, dans la quête de l’Essentiel en soi : ici et maintenant, il est une fois ma sophrologie…
Au travers de la phénoménologie, des penseurs tels que Husserl posent la question de la place du savoir Être et du savoir Faire dans la construction de soi. Si la philosophie est « l’amour de la sagesse » (étymologie), elle se révèle pour moi un outil d’introspection proche de la méditation. A la fois empreinte de lectures, de réflexions intellectuelles, de contradictions tout autant que de lâcher prise – sur mes certitudes, mes principes de vie, sur les concepts idéologiques et/ou sociaux qui m’ont construit – et de remises en questions existentielles. En nous disant que « ce soi-même, c’est vous » il nous invite à nous interroger sur ce qui constitue la sagesse en chacun : la volonté de l’être ? L’étude ? Sa pleine vivance dans la quotidienneté ? Peut être tout ceci à la fois ou peut être tout autre chose.
Grâce à ma pratique sophrologique et méditative au quotidien, ma compréhension phénoménologique évolue.
Il est fondamental pour moi de tenir compte du fruit de mes vivances et des prises de consciences philosophiques apparues lors de mon entrainement régulier et de les transposer dans ma pratique professionnelle. Il s’agirait de passer d’un « savoir faire » inhérent à la maitrise des différentes techniques ou relaxations dynamiques, au « savoir être » indispensable à leur réelle compréhension et à leur application la plus objective et de mettre à distance la théorie au profit de l’intuition. Il existe une grande différence entre les savoirs accumulés et la connaissance, qui demande justement de se libérer de ses savoirs et de se dissoudre en eux, de se les approprier pleinement pour mieux les oublier. Il ne s’agira pas de voir avec mes yeux mais à travers eux, ou peut-être à travers moi-même. Au-delà de la volonté de faire, au-delà des certitudes de l’être. Il s’agit d’un retour à soi, à l’essence de l’Être, à ce qui nous constitue de manière immuable et fondamentale. Même si ce n’est pas tant être de l’autre côté du miroir que d’être de l’autre côté de soi-même.
Si l’on parle de retour au corps lorsque que l’on évoque la réincarnation alors peut-être pouvons-nous parler de « résophronisation » en ce qui concerne une volonté de retour à la Conscience ? Une conscience globale, partagée, universelle, non pas omnisciente ou omnipotente mais justement libre de savoir et de vouloir, inscrite dans un présent de calme et d’harmonie. Tout cela appartient à ma compréhension de ce qu’est la réduction phénoménologique en ayant bien conscience de la mince frontière qui sépare (ou non) ces concepts d’une certaine spiritualité. Mais peut-on comprendre la phénoménologie comme existentialité sans spiritualité ? Xavier Pavie écrira sur le sujet :
poser la question de la phénoménologie comme exercice spirituel, c’est poser la question non seulement que la connaissance des choses mêmes est un exercice spirituel, mais également que pour accéder à cette connaissance, à ce questionnement, il est nécessaire et fondamental d’abord de se connaitre soi même.
La sophrologie existentielle est une quête spirituelle
Si la quête de soi est spirituelle, alors la sophrologie et sa pratique peut être considérée comme telle. Cette réflexion « spirituelle » se nourrit des grandes valeurs existentielles rencontrées dans les relaxations dynamiques telles que la Liberté, l’Amour, la Responsabilité, l’Universalité, la Compassion ou l’Égalité.
La pratique de la sophrologie m’a permis de découvrir la sensation d’appartenir à un ensemble beaucoup plus grand que mon seul corps physique, plus vaste que mon appartenance sociale, plus universel que toutes mes pensées. Cette expérience s’affine plus précisément chaque jour, où je peux ressentir mon corps comme une vibration intense et permanente.
Une résonance de l’Être, presque évidente, comme si elle attendait là depuis toujours le moment où je serai en mesure de la percevoir. Mon environnement apparaît comme une énergie vibrante, où toutes les choses sont liées. Lors des relaxations dynamiques du cycle existentiel, j’ai pu faire l’expérience d’un sentiment d’appartenance allant au-delà de ma propre naissance.
Je constitue et suis constitué d’une histoire en perpétuel mouvement. Je porte en moi les gènes de mon espèce, ce qui fait l’Homme vis en nous depuis sa création et se transmet de manière inchangée à chaque personne vivante quelque soit sa culture, son sexe, son savoir ou sa sagesse. Puisque l’Essence profonde qui nous constitue ne peut mourir, nous portons tous en nous une parcelle d’éternité. Je me sens à la fois émetteur et récepteur de cette énergie, participant à sa raison d’être et en même temps n’étant qu’une infime mesure de ce qui la constitue.
Quand je me vois, c’est une partie de tous que j’aperçois. Je parlais de la volonté de se laisser dissoudre dans le savoir afin de ne plus s’accrocher à la tentation des certitudes. La mise à distance de soi dans la relation à autrui obéit au même principe, l’épochè n’est-elle pas la dissolution de mon ego face à la réalité de l’autre ? Cet oubli de soi-même ne constitue-t-il pas la racine de l’alliance sophrologique ? Peut-on s’allier à l’autre sans l’aimer ? La sophrologie devrait offrir au patient une parenthèse de calme et d’harmonie, comme un partage d’humanité dans le sens où l’on partagera un moment de conscience commune, une succession d’instant à la fois propre à chacun et universel. Un espace de tranquillité au milieu de l’agitation, que parfois la vie impose.
Nietzsche disait que « les erreurs des philosophes, y compris des plus grands, sont dues au fait qu’ils ignorent leurs propres ressorts. Celui qui veut découvrir la vérité doit d’abord se connaitre soi même. Et pour y parvenir, il faut se départir de son point de vue habituel, voire de son siècle, de son pays, et, après cela, s’observer à distance ». La sophrologie, à travers ses principes fondamentaux et l’hygiène de pensée qu’elle induit, permet cette mise à distance de soi. Même si elle laisse une grande importance à l’observation des phénomènes internes comme externes, ces mêmes phénomènes ne sont pas une fin en soi. Pour celui qui tendra vers une compréhension plus fine des enjeux de la phénoménologie, ils apparaitront comme une étape voir comme un « simple » outil d’observation. Qu’est-ce qui constitue l’espace de la Conscience, de la région phronique, de l’Essence de l’Être, de l’Âme ? Le « phénomène » n’aura de sens que lorsqu’il sera dissous par lui, lorsque plus rien ne restera à observer que la disparition de Soi.
« On devient philosophe en voulant le devenir » dirait Husserl, mais l’envie d’atteindre cet objectif ne nous détourne-t-il pas du but ? Non pas pour soi-même mais par soi-même : peut-être n’est-on « nous même » que le jour où l’on cesse de vouloir l’être. Nous sommes donc je suis.
Auteur : Quentin MAILFERT