Soutenir les soignants à distance : le retour d’expérience de la sophrologue Chitlada Calvier (2)

Proposer des séances de sophrologie par écrans interposés, nous en parlions fin février. Avantages de la sophrologie en visio, pré-requis d’une séance adaptée aux besoins du sophronisant, modalités de mise en place de ces séances pour le sophrologue… la mise en oeuvre de séances de sophrologie à distance devrait dorénavant ne plus avoir de secrets pour vous.

LIRE L’ARTICLE : Séances de sophrologie à distance : comment se lancer ?

La sophrologue Chitlada Calvier a déjà commencé à proposer ce type d’accompagnement en distanciel. Elle a répondu aux questions de Smile.

Accompagner et soutenir en distanciel les personnels de la santé

C’était il y a un an. Le 16 mars 2020, françaises et français étaient fermement conviés à demeurer chez eux jusqu’à nouvel ordre par Emmanuel Macron.

Ce premier confinement, les soignants, déjà fragilisés par des conditions de travail dégradées, l’ont vécu comme une difficulté supplémentaire à laquelle ils n’étaient pas préparés.

Épuisement, anxiété, problèmes d’organisation… furent leur lot quotidien durant de longs mois.

Les mains tapageuses de nos concitoyens ont eu beau s’animer chaque soir à 20h pétantes, la souffrance était là. Palpable.

Pour y remédier certains se sont fort heureusement activés.

Grâce à la mobilisation du SPS (Soins aux Professionnels de la Santé), des psychologues ont pu prodiguer leurs conseils attentifs et bienveillants aux infirmiers, aide-soignants, médecins… qui appelaient la plateforme téléphonique mise à leur disposition par l’association.

En moyenne, le 0805 23 23 36 reçu quotidiennement 85 appels dépités contre 4 en temps normal.

Pendant plusieurs mois, ils ont écouté, orienté, conseillé. Dans les hôpitaux, ils ont animé des Journées d’Ateliers Dynamiques et d’échangeS (JADES) afin de rompre l’isolement des personnels soignants et non soignants. Des sophrologues ont ainsi participé à un atelier sur le sommeil.

Depuis, Chitlada Calvier, présidente du Pôle Entreprise du Réseau Professionnel National des Sophrologues, en est convaincu : les séances de sophrologie à distance ont un bel avenir devant elles.

Depuis quand proposez-vous des séances de sophrologie en distanciel ?

Je donnais des cours collectifs de sophrologie à l’espace City’zen Paris au parc floral tous les lundis à 18H. Et lorsque le confinement a été annoncé, avec l’équipe des profs, nous avons voulu assurer une continuité des cours pour nos participants fidèles.

Dès le premier confinement en mars 2020, pris par l’urgence, nous avons donné des cours gratuitement par solidarité nationale et aussi car nous n’avions pas encore choisi de plateforme de paiement.

Avec le réseau RPNS by ESSA, nous nous sommes mobilisés pour proposer des séances de sophrologie à un tarif préférentiel et une gratuité pour les soignants.

Quel type d’accompagnement proposez-vous ?

Je propose des cours collectifs pour les particuliers et les entreprises, et des séances individuelles dans la continuité de mes suivis en cabinet.

Avez-vous noté une évolution de votre activité depuis la mise en place du distanciel ?

Il est vrai que le distanciel ouvre des possibilités en terme d’organisation, pas de déplacement et de temps de trajet à prévoir. De plus, pour les cours de sophrologie, nous n’avons besoin ni de matériel ni de lieu spécifique. Juste une bonne connexion et un endroit pour se poser.

J’ai pu avoir de nouveaux participants à travers la France.

Pour ouvrir mon offre, j’ai ouvert une autre session de sophrologie à un autre jour et un autre horaire, soit le jeudi à 19H15.

Le distanciel a permis quelques consultations individuelles de personnes dans d’autres villes par le biais du bouche à oreille. Vu que mon référencement est local.

Finalement peu de mes clients en présentiel n’ont voulu continué en visio. Et les quelques consultations qui se sont poursuivies en distanciel se sont vite arrêtées.

Les patients à accompagner en distanciel sont-ils différents de ceux dont vous vous occupiez en présentiel ? Les besoins sont-ils différents ?

Je n’ai pas remarqué de différences au niveau des problématiques amenées par les patients. La période de Covid, n’a fait qu’augmenter des symptômes de stress, peur, angoisse, insomnie.

J’ai aussi constaté beaucoup de solitude, de doute et de colère.

Je crois bien que toutes les émotions ont rejailli de manière anarchique en cette période de confinement.

Concernant les sessions auprès des entreprises, j’ai été très surprise par les écrans noirs des participants. Les salariés en télétravail à domicile ne mettaient pas leur caméra. J’ai appris que c’était courant dans le milieu de l’entreprise.

J’en avais longuement discuté avec la RH, initiatrice des cours et il m’a fallu m’adapter, travailler ma frustration et faire preuve de créativité sans avoir de feedback, et très peu de phénodescription. Très difficile pour la personne très visuelle que je suis.

Quel système de visio-conférence utilisez-vous pour vos séances ? Quelle solution de paiement ? Quel abonnement Internet avez-vous souscrit ?

J’utilise Zoom, Teams, Skype, Whats app, Face Time, Messenger, il a fallu s’adapter à la demande et maitriser tous ces outils.

J’ai pris un abonnement Zoom ce qui me permet de me servir de cette plateforme pour tout un tas d’autres réunions. C’est très pratique.

Les entreprises avec lesquelles je travaille préfèrent Teams. Et pour les consultations individuelles je laisse le choix aux patients.

Différentes plateformes de paiement ont vu le jour durant cette période. Pour ma part, j’ai préféré un virement bancaire que je demande après la séance, avec le risque d’impayé mais cela ne m’est jamais arrivé.

La confiance mutuelle est la base dans mon métier.

L’alliance sophrologique est-elle plus, moins difficile à obtenir en distanciel ?

En revanche, j’ai trouvé que l’alliance était moins aisée à installer et que l’accompagnement me demandait de mobiliser plus d’énergie. J’ai trouvé que les écrans interposés ne permettaient pas une vision globale du client.

Dans mes accompagnements, j’aime observer les postures, la gestuelle, les comportements, les mimiques et aussi montrer les mouvements de relaxations dynamiques.

Souvent, je ne voyais que le buste.

Et je pense que c’est la raison pour laquelle ces consultations m’ont paru moins efficaces. Et du coup, peu de suivi.

Forcément, pas d’alliance probante avec les écrans noirs.

Pour les séances collectives de particuliers, j’ai remarqué des fidèles une vraie convivialité, du respect et du soutien mutuel, chacun a plaisir à se retrouver pour notre moment de lâcher prise en toute confiance.

Y-a-t-il des règles à respecter et qu’il faut présenter au patient pour ces séances ?

En effet, il faut rappeler les règles de confidentialité.

Je rappelle le déroulement d’une séance pour les nouveaux participants, temps d’accueil, échanges – pratiques adaptées à leurs états- temps d’intégration – partage, phénodescriptions.

Naturellement, les personnes se mettent au calme. J’indique les principes de la sophrologie, être dans l’accueil des phénomènes, Sans jugement, sans apriori, sans commentaire ni interprétation.

Indiquer que rien ne doit être fait dans l’effort, et que le plaisir et le bien être sont les seuls indicateurs.

Je privilégie les séances assises qui me permettent de voir les participants.

J’indique de couper leur micro durant la séance pour qu’ils puissent bien m’entendre. Et qu’il y a toujours possibilité de m’écrire au cours de la séance si besoin.

Existe-t-il selon vous des obstacles ou des inconvénients à ces séances en distanciel ?

Comme indiqué auparavant, pour une question pratique et logistique, de gestion de caméra.

Soit je propose des séances exclusivement debout, soit assises ou soit allongées pour les habitués et en fonction de leurs états. Sans passage d’une posture à l’autre, car il y a des risques de vertige, d’étourdissement. Des participants peuvent se sentir essoufflés.

Je suis très attentive à la sécurité des participants car en cas d’accident je ne peux intervenir que par la parole.

Le travail sur la respiration, le relâchement musculaire et les suggestions que je choisis toujours positives intentionnellement, peuvent induire des détentes physique, psychiques et libérer des émotions fortes qu’il faut accompagner au travers d’un écran. Ce qui limite mon champs d’action.

Et puis surtout, contrairement à un cours où les participants peuvent venir discuter avant ou après. Là, j’appuis sur quitter et plus personne, chacun se retrouve seul chez soi. Cela peut être difficile à vivre pour certaines personnes.

C’est pourquoi, j’ai ouvert en parallèle, pour ceux qui le souhaitaient, un fil Whatsapp pour maintenir le lien. Ce lien qui est un besoin à renforcer en ces temps de COVID. Chacun peut revenir sur les techniques vues en séances et partager des photos, des intentions. Ce qui peut pallier à ces discussions informelles que l’on avait avant et après chaque cours.

J’admets que c’est une gestion supplémentaire mais c’est utile.

La Covid a vraiment remis à plat notre façon de travailler à tous, je l’ai accepté.

Proposez-vous des séances de groupe en distanciel ? Si oui selon quelles modalités ?

Oui, comme expliqué précédemment.

Les tarifs des séances collectives sont variables en fonction de l’abonnement à l’espace City’zen Paris. Allant de 10 à 20 euros.

Par solidarité et conviction, j’ai décidé d’offrir des séances gratuites aux étudiants et aux soignants.

Le nombre de personnes est illimité mais je préfère 8 en visio ce qui permet une bonne interactivité.

Pour ceux qui ne mettent pas l’écran, c’est une autre manière d’animer mais pas idéale selon moi.

Pensez-vous que le distanciel soit une solution d’avenir ?

Je pense que le distanciel est un incontournable et qu’on ne pourra pas s’en passer car il a des aspects pratiques par son accès immédiat.

Mais je suis persuadée que les gens préfèrent le contact et la chaleur humaine, ce qui signifie que rien ne remplacera le présentiel.

La technologie n’aura jamais le dessus sur notre instinct de sociabilité. La base de la relation humaine c’est le contact.