Mon lien avec la sophrologie tout en se densifiant a évolué au long de ces trois années. Au début la notion d’apprentissage y était fortement attachée, mais petit à petit elle a laissé davantage de place à l’expérience en la laissant s’intégrer chaque jour davantage dans mon quotidien.
La sophrologie est devenue ma compagne, elle fait aujourd’hui partie intégrante de mon fonctionnement, de ma vie. En plus de ma pratique et de mes entraînements, j’ai essayé de vivre en pleine conscience le plus souvent possible, c’est-à-dire au début à chaque fois que j’y pensais ! Il y avait dans cette attitude quelque chose de magique, comme par exemple la disparition immédiate d’un souci, dans lequel je trouvais mon compte, et qui m’a aidé à développer mon regard phénoménologique. Avec le temps, cette sorte d’habitude s’est déployée et il m’arrive assez souvent que ce soit elle qui me surprenne dans mes automatismes.
Mon histoire avec la sophrologie se renforce chaque jour davantage tant il m’est donné de vivre, en dehors de mes entraînements, des instants d’une telle force que je ne pourrais pas attribuer à autre chose qu’à cette nouvelle façon de vivre.
Cette année alors que j’écoutais un concerto de Mozart je me suis tellement sentie transportée, que j’ai pris soin à la fin de noter ce que je venais de vivre, un peu comme une phénodescription : « Je ressens une forte présence au niveau du cœur qui bat fermement et de plus en plus fort. Tout à coup, toutes les notes deviennent légères et moi aussi, je suis comme elles, légère, je sautille, je me sens comme des notes qui s’éveillent et sont attirées par la lumière, je gambade de partout, je vibre, je pétille (mes cellules ?). Tout devient joie, évidence, beauté, amour…
Un peu plus loin dans le morceau, je ressens une très grande pression juste au-dessus de la nuque, presque désagréable, comme quelque chose qui pousse, et, en même temps, je n’ai pas envie que cela s’arrête. Les notes résonnent de plus en plus fort dans ma tête, je suis dedans, présente, emportée par la musique, vivante, et cette pression toujours là, pas très agréable, mais dont je ne veux pas perdre la présence. C’est comme si tout était lié : les notes, cette force, ma présence et toute cette beauté, cet amour pour ce qui est là ». C’est un morceau que je connais très bien pour l’avoir probablement écouté des centaines de fois, et puis un jour… Quelque chose s’éclaire, beaucoup de lumière et comme une évidence quelque chose se passe… C’est une « banalité » qui, sous un nouveau regard, prend son envol m’emportant avec elle !
De plus en plus souvent, je sens du calme en moi, je suis observateur de moi-même et du monde. C’est assez surprenant, parfois ma conscience apparaît et puis repart dès que je suis attrapée par la vie, puis elle repasse devant… Elle me dit : « je suis là ». Je la sens, je suis elle… Et moi … Et à ce moment-là, tout ce qui m‘entoure…
Mon constat
La valeur d’une expérience se mesure à son pouvoir de transformation de la vie. (Satprem, Sri Aurobindo ou l’aventure de la conscience).
En faisant ce constat, je ne peux m’empêcher de penser à mon évolution photographique professionnelle. Je travaille depuis une dizaine d’année sur le thème du temps et en 2005 a eu lieu ma première exposition sur le sujet.
L’accroche était : « Le temps est irréversible, nous le traversons dans une seule direction ». En écrivant ces mots, je frissonne presque ! Aujourd’hui ma référence au temps s’organise autour des traces laissées par l’homme il y a longtemps, et qui sont bien là à ce moment, vivantes, ressenties. Ma photo, mes empreintes, tout est là, présent en même temps, c’est la substance de la vie… Je touche les moments passés, il y a très longtemps, les traces laissées par l’homme et je les vis maintenant. Tout cela est conscience : la trace, mon regard, moi et tout ce qui m’entoure. J’écris cela sans aucune nostalgie, c’est juste un constat. Mes photos sont ce que je ressens et je n’ai pas fait les dernières avec une intention « volontairement sophrologique ». Pourtant en les regardant, cela me saute aux yeux : la preuve de ma transformation est là, incontestablement !
Par ailleurs dans mon expérience de sophrologue, j’ai déjà commencé à constater que tout au long de cette année, ma confiance en moi s’est développée. Par exemple je n’ai plus besoin de préparer « scolairement » mes prochaines séances. J’ai réussi à prendre du recul, à croire en mon potentiel. Cela me permet aussi de me libérer davantage et d’être vraiment à l’écoute de mes clients dans leur réalité de l’instant, de pouvoir construire ma séance en fonction de notre dialogue présophronique et non plus de ma fiche préparée ! Je suis dans l’écoute, libérée de la peur du jugement, et pleine de bienveillance. La notion d’alliance prend alors tout son sens car réellement ressentie.
Transmettre ce regard phénoménologique
Alors maintenant, dans ma réalité de sophrologue, concrètement, que vais-je faire de tout cela ? Vivre avec, c’est évident ! Cultiver mon attitude phénoménologique au quotidien, c’est devenu un réel besoin ! Mais il me faut en plus donner corps à tout ce chemin parcouru, mon esprit cartésien me rattrape, il me faut du concret ! Alors je sens que c’est de transmettre qu’il s’agit, cela me semble bien être le maître mot.
Il faut t’efforcer de voir le Goéland véritable – celui qui est bon – en chacun de tes semblables et l’aider à le découvrir en lui-même. C’est là ce que j’entends par amour. (Richard Bach, Jonathan Livingstone le goéland)
Transmettre, mais transmettre quoi, comment et pourquoi ?
Concrètement, c’est bien de cela qu’il s’agit ! Transmettre cette attitude phénoménologique, ce nouveau regard. Avec la pratique, le client va s’apercevoir que les phénomènes apparaissent et disparaissent, il se retrouve donc directement au contact de l’impermanence et commence alors à pouvoir se désidentifier des phénomènes.
L’idée est d’aider l’autre à vivre la douleur, le stress, la tristesse par exemple comme de simples phénomènes. Douleur, stress, tristesse sont toujours là objectivement, mais notre travail de sophrologue sera, grâce à la transmission d’outils, d’aider le client à les accueillir phénoménologiquement. Par ce nouveau regard, sa relation avec sa douleur, son stress ou sa tristesse ne sera plus la même. Son corps comme terrain d’expérience sera son meilleur allié. Par cette approche, un jour les choses se débloquent : la personne qui réussit à se désidentifier de son problème et comprend qu’elle n’est pas ce problème, peut recommencer à voir son existence différemment. D’autres possibles apparaissent, la « machine » se remet en marche et c’est ça la vie !
Je pense à cette jeune femme que j’accompagne en ce moment : fraîchement diplômée et cadre dans une multinationale, depuis quelques mois elle ne peut plus prendre le métro et augmente son temps de trajet journalier de deux heures en ne se déplaçant qu’avec le bus. Au cours d’une phénodescription suite à une SAP, j’ai vu sur son visage une lueur d’espoir alors qu’elle me racontait qu’au moment où elle descendait les marches du métro, elle avait entendu une très forte musique qu’elle aimait et que cela lui avait permis ensuite monter dans la rame plus facilement. J’ai senti que pour elle c’était déjà une ouverture, peut-être une expérience qui allait la mener tout droit vers d’autres possibles…
Et je ne peux m’empêcher de penser, que ce regard phénoménologique rempli de tant de pouvoir, devrait faire partie de notre éducation. J’interviens régulièrement dans une école privée auprès d’enfants âgés de cinq à onze ans. Et ce qu’il ressort de ce suivi, c’est que chacun d’entre eux prend naturellement ce dont il a besoin au cours des séances. Les enfants ne sont pas encore engorgés de jugements et d’a priori, et grâce à cela ils me semblent être plus perméables. Alors il est évident que tous les acquis sophrologiques qu’ils pourront engranger à cette période de leur vie leur sera bénéfique dans le temps, d’autant plus que vécus sans grande interaction du mental…
Auteur : Carole Demerin